médan

 

Dès les premiers jours de son installation, Zola invite à Médan ses amis écrivains naturalistes : Alexis, Céard, Hennique, Huysmans et Maupassant. Ils créent ensemble le "Groupe de Médan" qui fera bientôt paraître un recueil de nouvelles : Les soirées de Médan.

Le recueil est composé des nouvelles suivantes :

  • L'Attaque du moulin, d'Emile Zola
  • Boule de suif, de Guy de Maupassant
  • Sac au dos, de Joris-Karl Huysmans
  • La Saignée, d'Henry Céard
  • L'Affaire du Grand 7, de Léon Hennique
  • Après la bataille, de Paul Alexis

La pagination totale de l'édition de 1880 est de 25 pages. Curieusement, bien que le recueil ait été publié le 15 avril, sa préface, signée Émile Zola, est datée du 1er mai 1880.

 

« L’Attaque du moulin » se déroule au début de la guerre franco-prussienne en 1870, dans un petit village qui s’appelle Rocreuse. Au début de l’histoire, il y a le père Merlier, un meunier qui habite avec sa fille Françoise dans le seul moulin de Rocreuse. Une grande fête anime le moulin, et tout le monde sait que cette nuit le père Merlier va fiancer sa fille à Dominique, un homme belge qui habite au bord de la forêt de Gagny, la ville voisine. Dominique est connu pour sa paresse, mais depuis qu’il a demandé au père Merlier s’il pouvait se marier avec sa fille Françoise, il a montré à tout le monde qu’il était un travailleur très fort. Donc, le père Merlier annonce les fiançailles de Françoise et Dominique au début de l’histoire. La date du mariage est fixée pour la fête de Saint-Louis, le 25 août. Mais les gens chuchotent de la guerre avec des Prussiens qui pourraient arriver à Rocreuse. Finalement, un mois plus tard, les Prussiens qui arrivent et attaquent le moulin…

Extraits :

 

Le moulin du père Merlier, par cette belle soirée d’été, était en grande fête. Dans la cour, on avait mis trois tables, placées bout à bout, et qui attendaient les convives. Tout le pays savait qu’on devait fiancer, ce jour-là, la fille Merlier, Françoise, avec Dominique, un garçon qu’on accusait de fainéantise, mais que les femmes, à trois lieues à la ronde, regardaient avec des yeux luisants, tant il avait bon air.

l'attaque du moulin

 

Depuis une semaine, des gens qui passaient sur la route annonçaient les Prussiens : « Ils sont à Lormière, ils sont à Novelles » ; et, à entendre dire qu’ils se rapprochaient si vite, Rocreuse, chaque matin, croyait les voir descendre par les bois de Gagny. Ils ne venaient point cependant, cela effrayait davantage. Bien
sûr qu’ils tomberaient sur le village pendant la nuit et qu’ils égorgeraient tout le monde.
La nuit précédente, un peu avant le jour, il y avait eu une alerte. Les habitants s’étaient réveillés, en entendant un grand bruit d’hommes sur la route. Les femmes déjà se jetaient à genoux et faisaient des signes de croix, lorsqu’on avait
reconnu des pantalons rouges, en entrouvrant prudemment les fenêtres. C’était un détachement français. Le capitaine avait tout de suite demandé
le maire du pays, et il était resté au moulin, après avoir causé avec le père Merlier.

 

Boule de suif, de Guy de Maupassant

boule de suif

Résumé :

L'histoire se déroule pendant la guerre de 1870, en plein hiver et débute par le repli des troupes françaises et l'envahissement de Rouen par les prussiens. C'est à bord d'une diligence tirée par six chevaux que l'héroïne, baptisée par l'auteur "Boule de suif" et neuf autres personnes s'enfuient vers Dieppe. Il y a là un couple de commerçants, deux couples de la bourgeoisie et de la noblesse, deux religieuses, un démocrate, et Boule de suif, une femme galante, dont la présence soulève la méfiance, l’indignation ou la curiosité.

Le voyage s’annonce difficile, le froid est vif. La neige ralentit la progression de la diligence. Les voyageurs ont faim. Seule, Boule de Suif a pensé à emporter des provisions qu’elle partage volontiers avec ses compagnons de voyage. Ceux-ci n’hésitent pas alors à oublier provisoirement leurs préjugés pour bénéficier de la générosité de la passagère.

Le soir, la diligence s’arrête pour une étape à l’auberge de Tôtes. Celle-ci est occupée par les Prussiens. L’officier prussien interdit à la diligence de repartir tant que Boule de suif na pas accepté ses avances. Avant le souper elle est appelée à le rejoindre mais refuse. Bonapartiste, elle n’accepte pas de coucher avec l'ennemi.

Extraits :

Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d'armée en déroute avaient traversé la ville. Ce n'était point de la troupe, mais des hordes débandées. Les hommes avaient la barbe longue et sale, des uniformes en guenilles, et ils avançaient d'une allure molle, sans drapeau, sans régiment. Tous semblaient accablés, éreintés, incapables d'une pensée ou d'une résolution, marchant seulement par habitude, et tombant de fatigue sitôt qu'ils s'arrêtaient. On voyait surtout des mobilisés, gens pacifiques, rentiers tranquilles, pliant sous le poids du fusil; des petits moblots alertes, faciles à l'épouvante et prompts à l'enthousiasme, prêts à l'attaque comme à la fuite; puis, au milieu d'eux, quelques culottes rouges, débris d'une division moulue dans une grande bataille; des artilleurs sombres alignés avec ces fantassins divers; et, parfois, le casque brillant d'un dragon au pied pesant qui suivait avec peine la marche plus légère des lignards. 

Des légions de francs-tireurs aux appellations héroïques: "les Vengeurs de la défaite - les Citoyens de la tombe - les Partageurs de la mort" - passaient à leur tour, avec des airs de bandits. 

Leurs chefs, anciens commerçants en drap ou en graines, ex-marchands de suif ou de savon, guerriers de circonstance, nommés officiers pour leurs écus ou la longueur de leurs moustaches, couverts d'armes, de flanelle et de galons, parlaient d'une voix retentissante, discutaient plans de campagne , et prétendaient soutenir seuls la France agonisante sur leurs épaules de fanfarons; mais ils redoutaient parfois leurs propres soldats, gens de sac et de corde, souvent braves à outrance, pillards et débauchés. 

Les Prussiens allaient entrer dans Rouen, disait-on. 

La Garde nationale qui, depuis deux mois, faisait des reconnaissances très prudentes dans les bois voisins, fusillant parfois ses propres sentinelles, et se préparant au combat quand un petit lapin remuait sous des broussailles, était rentrée dans ses foyers. Ses armes, ses uniformes, tout son attirail meurtrier, dont elle épouvantait naguère les bornes des routes nationales à trois lieues à la ronde, avaient subitement disparu. 

Les derniers soldats français venaient enfin de traverser la Seine pour gagner Pont-Audemer par Saint-Sever et Bourg-Achard; et, marchant après tous, le général désespéré, ne pouvant rien tenter avec ces loques disparates, éperdu lui-même dans la grande débâcle d'un peuple habitué à vaincre et désastreusement battu malgré sa bravoure légendaire, s'en allait à pied, entre deux officiers d'ordonnance. 

Puis un calme profond, une attente épouvantée et silencieuse avaient plané sur la cité. Beaucoup de bourgeois bedonnants, émasculés par le commerce, attendaient anxieusement les vainqueurs, tremblant qu'on ne considérât comme une arme leurs broches à rôtir ou leurs grands couteaux de cuisine. 

La vie semblait arrêtée; les boutiques étaient closes, la rue muette. Quelquefois un habitant, intimidé par ce silence, filait rapidement le long des murs. 

L'angoisse de l'attente faisait désirer la venue de l'ennemi. 

Dans l'après-midi du jour qui suivit le départ des troupes françaises, quelques uhlans, sortis on ne sait d'où, traversèrent la ville avec célérité. Puis, un peu plus tard, une masse noire descendit de la côte Sainte-Catherine, tandis que deux autres flots envahisseurs apparaissaient par les routes de Darnetal et de Boisguillaume. Les avant-gardes des trois corps, juste au même moment, se joignirent sur la place de l'Hôtel-de-Ville; et, par toutes les rues voisines, l'armée allemande arrivait, déroulant ses bataillons qui faisaient sonner les pavés sous leur pas dur et rythmé. 

Des commandements criés d'une voix inconnue et gutturale montaient le long des maisons qui semblaient mortes et désertes, tandis que, derrière les volets fermés, des yeux guettaient ces hommes victorieux, maîtres de la cité, des fortunes et des vies, de par le "droit de guerre". Les habitants, dans leurs chambres assombries, avaient l'affolement que donnent les cataclysmes, les grands bouleversements meurtriers de la terre, contre lesquels toute sagesse et toute force sont inutiles. Car la même sensation reparaît chaque fois que l'ordre établi des choses est renversé, que la sécurité n'existe plus, que tout ce que protégeaient les lois des hommes ou celles de la nature, se trouve à la merci d'une brutalité inconsciente et féroce. Le tremblement de terre écrasant sous des maisons croulantes un peuple entier; le fleuve débordé qui roule les paysans noyés avec les cadavres des boeufs et les poutres arrachées aux toits, ou l'armée glorieuse massacrant ceux qui se défendent, emmenait les autres prisonniers, pillant au nom du Sabre et remerciant un Dieu au son du canon, sont autant de fléaux effrayants qui déconcertent toute croyance à la justice éternelle, toute la confiance qu'on nous enseigne en la protection du ciel et en la raison de l'homme. 

Mais à chaque porte des petits détachements frappaient, puis disparaissaient dans les maisons. C'était l'occupation après l'invasion. Le devoir commençait pour les vaincus de se montrer gracieux envers les vainqueurs. 

Au bout de quelque temps, une fois la première terreur disparue, un calme nouveau s'établit. Dans beaucoup de familles, l'officier prussien mangeait à table. Il était parfois bien élevé, et, par politesse, plaignait la France, disait sa répugnance en prenant part à cette guerre. On lui était reconnaissant de ce sentiment; puis on pouvait, un jour ou l'autre, avoir besoin de sa protection. En le ménageant on obtiendrait peut-être quelques hommes de moins à nourrir. Et pourquoi blesser quelqu'un dont on dépendait tout à fait? Agir ainsi serait moins de la bravoure que de la témérité. - Et la témérité n'est plus un défaut des bourgeois de Rouen, comme au temps des défenses héroïques où s'illustra leur cité. - On se disait enfin, raison suprême tirée de l'urbanité française, qu'il demeurait bien permis d'être poli dans son intérieur pourvu qu'on ne se montrât pas familier, en public, avec le soldat étranger. Au dehors on ne se connaissait plus, mais dans la maison on causait volontiers, et l'Allemand demeurait plus longtemps, chaque soir, à se chauffer au foyer commun. 

La ville même reprenait peu à peu de son aspect ordinaire. Les Français ne sortaient guère encore, mais les soldats prussiens grouillaient dans les rues. Du reste, les officiers de hussards bleus, qui traînaient avec arrogance leurs grands outils de mort sur le pavé, ne semblaient pas avoir pour les simples citoyens énormément plus de mépris que les officiers de chasseurs, qui, l'année d'avant, buvaient aux mêmes cafés. 

Il y avait cependant quelque chose dans l'air, quelque chose de subtil et d'inconnu, une atmosphère étrangère intolérable, comme une odeur répandue, l'odeur de l'invasion. Elle emplissait les demeures et les places publiques, changeait le goût des aliments, donnait l'impression d'être en voyage, très loin, chez des tribus barbares et dangereuses. 

Les vainqueurs exigeaient de l'argent, beaucoup d'argent. Les habitants payaient toujours; ils étaient riches d'ailleurs. Mais plus un négociant normand devient opulent et plus il souffre de tout sacrifice, de toute parcelle de sa fortune qu'il voit passer aux mains d'un autre. 

Cependant, à deux ou trois lieues sous la ville, en suivant le cours de la rivière, vers Croisset, Dieppedalle ou Biessart, les mariniers et les pêcheurs ramenaient souvent du fond de l'eau quelque cadavre d'Allemand gonflé dans son uniforme, tué d'un coup de couteau ou de savate, la tête écrasée par une pierre, ou jeté à l'eau d'une poussée du haut d'un pont. Les vases du fleuve ensevelissaient ces vengeances obscures, sauvages et légitimes, héroïsmes inconnus, attaques muettes, plus périlleuses que les batailles au grand jour et sans le retentissement de la gloire. 

Car la haine de l'étranger arme toujours quelques intrépides prêts à mourir pour une Idée. 

Enfin, comme les envahisseurs, bien qu'assujettissant la ville à leur inflexible discipline, n'avaient accompli aucune des horreurs que la renommée leur faisait commettre tout le long de leur marche triomphale, on s'enhardit, et le besoin du négoce travailla de nouveau le coeur des commerçants du pays. Quelques-uns avaient de gros intérêts engagés au Havre que l'armée française occupait, et ils voulurent tenter de gagner ce port en allant par terre à Dieppe où ils s'embarqueraient. 

On employa l'influence des officiers allemands dont on avait fait la connaissance, et une autorisation de départ fut obtenue du général en chef. 

Donc, une grande diligence à quatre chevaux ayant été retenue pour ce voyage, et dix personnes s'étant fait inscrire chez le voiturier, on résolut de partir un mardi matin, avant le jour, pour éviter tout rassemblement. 

Depuis quelque temps déjà la gelée avait durci la terre, et le lundi, vers trois heures, de gros nuages noirs venant du nord apportèrent la neige qui tomba sans interruption pendant toute la soirée et toute la nuit. 

A quatre heures et demie du matin, les voyageurs se réunirent dans la cour de l'hôtel de Normandie, où l'on devait monter en voiture. 

Ils étaient encore pleins de sommeil, et grelottaient de froid sous leurs couvertures. On se voyait mal dans l'obscurité; et l'entassement des lourds vêtements d'hiver faisait ressembler tous ces corps à des curés obèses avec leurs longues soutanes. Mais deux hommes se reconnurent, un troisième les aborda, ils causèrent: "J'emmène ma femme, dit l'un. - J'en fais autant. - Et moi aussi." Le premier ajouta: "Nous ne reviendrons pas à Rouen, et si les Prussiens approchent du Havre nous gagnerons l'Angleterre." Tous avaient les mêmes projets, étant de complexion semblable. 

Cependant on n'attelait pas la voiture. Une petite lanterne, que portait un valet d'écurie, sortait de temps à autre d'une porte obscure pour disparaître immédiatement dans une autre. Des pieds de chevaux frappaient la terre, amortis par le fumier des litières, et une voix d'homme parlant aux bêtes et jurant s'entendait au fond du bâtiment. Un léger murmure de grelots annonça qu'on maniait les harnais; ce murmure devint bientôt un frémissement clair et continu rythmé par le mouvement de l'animal, s'arrêtant parfois, puis reprenant dans une brusque secousse qu'accompagnait le bruit mat d'un sabot ferré battant le sol. 

La porte subitement se ferma. Tout bruit cessa. Les bourgeois, gelés, s'étaient tus: ils demeuraient immobiles et roidis. 

Un rideau de flocons blancs ininterrompu miroitait sans cesse en descendant vers la terre; il effaçait les formes, poudrait les choses d'une mousse de glace; et l'on n'entendait plus, dans le grand silence de la ville calme et ensevelie sous l'hiver, que ce froissement vague, innommable et flottant de la neige qui tombe, plutôt sensation que bruit , entremêlement d'atomes légers qui semblaient emplir l'espace, couvrir le monde. 

L'homme reparut, avec sa lanterne, tirant au bout d'une corde un cheval triste qui ne venait pas volontiers. Il le plaça contre le timon, attacha les traits, tourna longtemps autour pour assurer les harnais, car il ne pouvait se servir que d'une main, l'autre portant sa lumière. Comme il allait chercher la seconde bête, il remarqua tous ces voyageurs immobiles, déjà blancs de neige, et leur dit: "Pourquoi ne montez-vous pas dans la voiture? vous serez à l'abri, au moins." 

Ils n'y avaient pas songé, sans doute, et ils se précipitèrent. Les trois hommes installèrent leurs femmes dans le fond, montèrent ensuite; puis les autres formes indécises et voilées prirent à leur tour les dernières places sans échanger une parole. 

Le plancher était couvert de paille où les pieds s'enfoncèrent. Les dames du fond, ayant apporté des petites chaufferettes en cuivre avec un charbon chimique, allumèrent ces appareils, et, pendant quelque temps, à voix basse, elles en énumérèrent les avantages, se répétant des choses qu'elles savaient déjà depuis longtemps. 

Enfin, la diligence étant attelée, avec six chevaux au lieu de quatre à cause du tirage plus pénible, une voix du dehors demanda: "Tout le monde est-il monté?" Une voix du dedans répondit: "Oui." - On partit. 

La voiture avançait lentement, lentement, à tout petits pas. Les roues s'enfonçaient dans la neige; le coffre entier geignait avec des craquements sourds; les bêtes glissaient, soufflaient, fumaient et le fouet gigantesque du cocher claquait sans repos, voltigeait de tous les côtés, se nouant et se déroulant comme un serpent mince, et cinglant brusquement quelque croupe rebondie qui se tendait alors sous un effort plus violent. 

Mais le jour imperceptiblement grandissait. Ces flocons légers qu'un voyageur, Rouennais pur sang, avait comparés à une pluie de coton, ne tombaient plus. Une lueur sale filtrait à travers de gros nuages obscurs et lourds qui rendaient plus éclatante la blancheur de la campagne où apparaissaient tantôt une ligne de grands arbres vêtus de givre, tantôt une chaumière avec un capuchon de neige. 

Dans la voiture, on se regardait curieusement, à la triste clarté de cette aurore. 

Tout au fond, aux meilleures places, sommeillaient, en face l'un de l'autre, M. et Mme Loiseau, des marchands de vins en gros de la rue Grand-Pont. 

Ancien commis d'un patron ruiné dans les affaires, Loiseau avait acheté le fonds et fait fortune. Il vendait à très bon marché de très mauvais vins aux petits débitants des campagnes et passait parmi ses connaissances et ses amis pour un fripon madré, un vrai Normand plein de ruses et de jovialité. 

Sa réputation de filou était si bien établie, qu'un soir à la préfecture, M. Tournel, auteur de fables et de chansons, esprit mordant et fin, une gloire locale, ayant proposé aux dames qu'il voyait un peu somnolentes de faire une partie de "Loiseau vole", le mot lui-même vola à travers les salons du préfet, puis, gagnant ceux de la ville, avait fait rire pendant un mois toutes les mâchoires de la province. 

Loiseau était en outre célèbre par ses farces de toute nature, ses plaisanteries bonnes ou mauvaises; et personne ne pouvait parler de lui sans ajouter immédiatement: "Il est impayable, ce Loiseau." 

De taille exiguë, il présentait un ventre en ballon surmonté d'une face rougeaude entre deux favoris grisonnants. 

Sa femme, grande, forte, résolue, avec la voix haute et la décision rapide, était l'ordre et l'arithmétique de la maison de commerce, qu'il animait par son activité joyeuse.

Les passagers restent bloqués la journée à l'auberge et réalisent que l'officier prussien ne les laissera partir que lorsque Boule de suif se sera offerte à lui. Chacun y va alors de son argument pour convaincre la jeune femme d’accepter de se sacrifier.

Elle passe la nuit avec l'officier et ils partent au petit matin.

Tous se sont fait préparer des petits plats sauf Boule de Suif qui n'a pas eu le temps.

Quand arrive l’heure du repas, les voyageurs se régalent mais personne ne partagera son repas avec Boule de Suif. Elle n’aura droit qu’au mépris de la part de cette micro-société bien pensante, qu’elle a nourrie puis libérée.

 

Sac au dos, de Joris-Karl Huysmans

Résumé :

Dans "Sac au dos", le narrateur relate son enrôlement dans la garde mobile de la Seine lors du conflit contre la Prusse en 1870. Suite à de sérieux problèmes intestinaux, c'est une pérégrination d'hôpital en hôpital qui lui tient lieu de baptême du feu. Ce qui ne l'empêche pas de connaître les aléas de l'existence de tout soldat que sont la crasse, la promiscuité, la faim...

Extraits :

Aussitôt que j’eus achevé mes études, mes

sac au dos


parents jugèrent utile de me faire comparoir
devant une table habillée de drap vert et
surmontée de bustes de vieux messieurs qui
s’inquiétèrent de savoir si j’avais appris assez de
langue morte pour être promu au grade de
bachelier.
L’épreuve fut satisfaisante. – Un dîner où tout
l’arrière-ban de ma famille fut convoqué, célébra
mes succès, s’inquiéta de mon avenir, et résolut
enfin que je ferais mon droit.
Je passai tant bien que mal le premier examen
et je mangeai l’argent de mes inscriptions de
deuxième année avec une blonde qui prétendait
avoir de l’affection pour moi, à certaines heures.

La Saignée, d'Henry Céard

Résumé :

C'est le siège de Paris pendant le conflit franco-prussien 1870 / 187. Elle, une fille des faubourgs du milieu d'ouvriers, respirant comme un relent de son air natal apporté dans ces vêtements, les habitudes, se frottait aux hommes dans la promenade des nocturnes faubourgs.

Extraits :

Dix heures du matin, un jour de la fin
d’octobre, à Paris, pendant le siège. La veille, on

AVT_henry-ceard_9078

s’est battu avec acharnement, là-bas, du côté de                 
Saint-Denis, dans la boue. Les nouvelles sont
mauvaises, les dépêches télégraphiques obscures,
et dans les affiches blanches que vient de faire
poser le gouvernement, on sent je ne sais quelle
indécision, je ne sais quels mensonges. Les
phrases sont confuses, ne disent rien. Sous
l’apparente confiance des proclamations, on
devine l’aveu involontaire d’un insuccès, la
confession d’un désastre. Dans le brouillard, sous
les crêpes mous d’un ciel en deuil, les marchands
de journaux, comme de coutume, sont passés,
criant les escarmouches, annonçant les
rencontres, et leurs voix montent sinistrement le
long des maisons noyées de brume. Encore une
reculade, encore une défaite

L'Affaire du Grand 7, de Léon Hennique

Extraits :

« Ran, plan,... plan, plan, plan ! » fit la
chambrée debout en demi-cercle, autour d’un
troupier à genoux, dont la tête reposait sur les

hennique


cuisses d’un camarade, et elle se tut.
– Attention ! Sauvageot, dit le caporal Verdier,
un grand blond à barbe rousse.
La main du troupier, largement ouverte sur ses
reins, eut un léger tremblement ; on devait déjà
lui avoir administré de solides claques. Et comme
il attendait, très anxieux, un soldat qui entrait
fendit le groupe, leva le poing avec tranquillité, le
laissa retomber. Un coup sec retentit.
– Aïe !... Sacré nom de nom... s’il y a du bon
sens ! bredouilla Sauvageot furieux.
On éclata de rire. « Ce Sauvageot ! quel
mollasson !... Gueuler comme ça pour un
méchant revers de tampon !... Ah ! fantassin de
malheur !

Après la bataille, de Paul Alexis

Résumé :

Pendant la débâcle de la guerre de 1870, une jeune femme recueille un jeune soldat blessé.
La rencontre émouvante de deux frustrations et de deux solitudes.

Extraits:

On se battait encore, très loin maintenant, sur
l’autre versant du plateau, à deux ou trois lieues.

Paul_Alexis


Le jour touchait à sa fin, sans que la canonnade
se ralentît. Un brouillard glacé se levant du fond
de la vallée voisine assourdissait les coups.
Un fantassin français se traînait sur la grande
route départementale, seul, blessé au pied gauche.
Une balle lui avait labouré le talon, heureusement
sans fracturer l’os, et elle était ressortie. Obligé
d’arracher son soulier, il avait pansé la plaie
comme il avait pu, avec un pan de sa chemise
déchiré en bandes. Il avançait très lentement, se
servant de son fusil comme d’une canne,
appuyant le moins possible son pied malade
contre le sol durci et rendu glissant par la gelée.
Les linges du pansement étaient tout rouges,
imbibés de sang comme une éponge.